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L' Aide humaine : définition et méthodes d'évaluations

Le 03 avril 2020
L' Aide humaine : définition et méthodes d'évaluations

L’aide humaine est liée à l’assistance nécessaire du blessé dans les actes de la vie quotidienne afin de préserver « sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie ».

L’indemnisation de cette aide humaine aspire, par l’application du principe de la réparation intégrale, à replacer la victime dans l’état le plus proche de celui qui était le sien avant le traumatisme. Ainsi, l’aide humaine ne se limite pas au seuls besoins vitaux consistant à se nourrir, ou se laver, mais doit s’envisager dans toute les sphères de la vie de la victime privée, familiale, sociale ou citoyenne.

Cette conception a d’ailleurs été rappelé par la loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui pose le principe que la personne handicapée a droit à la compensation de son handicap, concernant aussi bien sa vie scolaire, que dans l’aménagement de son logement, que l’accès au travail ou encore que le droit de vivre en milieu ordinaire ou adapté, tout en permettant de soulagé l’entourage.

Dans ces conditions l’aide humaine s’entend comme toute personne ayant un rôle « de substitution, d’accompagnement, d’incitation et de surveillance » de la personne blessée. De même ses besoins pourront considérablement varier en fonction de l’importance du handicap de la victime.

Un usage répandu distingue l’aide humaine active de l’aide humaine passive. La première viserait à accomplir les actes de la vie quotidienne que la victime ne peut effectuer elle-même, comme la toilette, l’habillage ou encore le ménage et les déplacements et la seconde constituerait principalement dans la surveillance du blessé et dans la prise en charge des imprévus.

Une autre distinction est opérée entre la nécessité d’une aide humaine avant consolidation, qui se trouvera indemniser dans le cadre des frais divers, de l’aide humaine post consolidation qui sera quant à elle indemnisée de façon autonome.

En tout état de cause, il conviendra de se questionner sur l’évaluation de cette aide humaine.

Comment et sur quels critères peut-on évaluer cette aide humaine ?

Cette question nous amène à étudier dans un premier temps les critères l’évaluation des besoins de la victime en aide humaine, qui devront se fonder sur un bilan personnalisé de la victime, avant de s’interroger sur l’évaluation du cout de cette aide humaine, en envisageant les critères retenus pour cette évaluation et en s’intéressant aux modalités de son calcul.

 

I)             L’évaluation des besoins de la victime en aide humaine

 

Comme évoqué précédemment, l’aide humaine ne se limite pas à la vie médicale de la victime, mais s’analyse comme une véritable compensation de son handicap. La victime doit retrouver une qualité de vie semblable à ce qui aurait été la sienne si l’accident n’était pas survenu. Cette volonté conduit nécessairement à prendre en compte les besoins personnels de la victime au regard de toutes ses spécificités.

 

A ) l’exigence d’un bilan personnalisé reconnue

 

Ainsi selon le rapport Dintilhac « ces dépenses d’assistance par tierce personne sont liées à l’assistance permanente d’une tierce personne pour aider la victime handicapée à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne. Elles visent à indemniser le cout pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d’une tierce personne à ses cotes pour l’assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité continuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie ».

L’évaluation des besoins de la victime en aide humaine, est généralement une mission donnée au médecin expert. Le rôle de ce dernier est d’indiquer dans son rapport « si l’assistance d’une tierce personne constante ou occasionnelle ait ou a été nécessaire en décrivant avec précision les besoins (niveau de compétence technique, durée d’intervention quotidienne) ».

Ainsi, l’assistance d’une aide humaine doit être évaluée selon les besoins du blessé, ce qui nécessite que soit précisément décrits l’objet de l’aide humaine nécessaire, sa durée quotidienne ou hebdomadaire, et éventuellement les périodes considérés pour distinguer l’aide temporaire, avant consolidation, de l’aide permanente, post consolidation.

En d’autre terme il convient que cette aide soit qualitativement et quantitativement définis au regard du lieu de vie de la victime, de son mode de vie antérieur et actuel mais également au regard de toutes ses spécificités…. Loisirs, vie familiale. Dès lors, seul un bilan personnalisé impliquant la mise en situation de la victime et parfois de son entourage pourra conduire à une juste réparation de ce poste de préjudice.  En effet, l’évaluation de ce poste ne peut se limiter à des données purement médicales.  C’est en ce sens que la Cour de Cassation nous rappelle que dans notre cas la recherche d’autonomie, de sécurité, de dignité, et de liberté de la victime blessée doit conduire l’expertise (cass civ 2ème 25/10/2012).

A cet égard et afin de tendre à une appréciation la plus concrète possible des difficultés que rencontre la victime dans son environnement, une expertise écologique du lieu de vie du blessé par un ergothérapeute spécialisé peut être une aide à la décision précieuse.

Il convient ainsi de préciser que l’évaluation de cette aide humaine doit aussi prendre en compte les aménagements techniques du cadre de vie de la victime pouvant venir la compenser. Néanmoins, il ne peut être imposée à la victime des aménagements ou des aides techniques pour réduire des besoins en aide humaine.

Cette exigence d’une évaluation personnalité des besoins de la victime se voit d’ailleurs renforcée dans certaine situation spécifique.

 

B)         une exigence d’un bilan personnalisé renforcée.

 

Toujours dans la volonté de répondre aux exigences d’autonomie de sécurité, de dignité et de liberté, certains cas particuliers nécessitent une attention toutes particulières sur l’évaluation des besoins en aides humaines.

Pour certains handicaps, l’aide humaine viendra compenser plus que la perte d’autonomie mais aussi une perte d’initiative.  On parle dans ce cas de tierce personne de stimulation.

Si l’on prend l’exemple des traumatisés crâniens, eu égard à l’importance et la particularité des séquelles qu’ils présentent, il convient d’être particulièrement attentif à la description de ses besoins en aide humaine dès l’expertise ; en effet ce type de blessé est l’exemple caractéristique des besoins multiples imbriqués ou la qualification la plus haute doit prédominer. Les manifestations des troubles du comportement souvent imprévisible impliquent le recours à une tierce personne inévitablement qualifiée quel que soit les taches secondaires qui pourront lui être confiées.

 

Il en va de même pour les besoins d’un enfant handicapé qui sont souvent difficiles à appréhender car il convient de déterminer l’aide supplémentaire nécessaire comparativement à un enfant non handicapé du même âge.

Il est d’usage de considérer qu’il n’y a pas de tierce personne supplémentaire jusqu’à l’âge de deux ans. Puis à mesure que l’enfant va grandir, les besoins en aide humaine résultant du handicap se dessineront progressivement. La production d’une journée type est dans ce cas un élément important d’appréciation tout comme l’étude des pièces médicales retraçant l’évolution de l’enfant puisqu’elle mettra en évidence les retard d’apprentissage ou le manque d’autonomie à travers les gestes quotidiens.

 

 Ces différents exemples nous amènent à considérer que l’évaluation des besoins de la victime en aide humaine est souvent pluridisciplinaire et qu’il a véritablement lieu à tenir compte des particularités de chacun des cas, dès l’élaboration de la mission d’expertise. Il est d’ailleurs rappelé par la Cour de Cassation que les besoins en tierce personne peuvent évincer des séquelles alors même que l’expert n’en fait pas état dans son rapport (cass civ 2ème ch 8 sept 2016).

 

Si nous avons pu étudier les critères d’évaluation des besoins de la victime en aide humaine, il convient de nous intéresser à l’évaluation du cout de cette assistance de l’aide humaine.

 

II)           L’évaluation du cout de l’aide humaine

 

Nous envisagerons dans un premier temps, les différents critères permettant d’évaluer le cout de l’aide humaine, avant de préciser dans un second temps les modalités de calcul de cette aide humaine.

 

A) les critères d’évaluation du cout de l’aide humaine

 

S’intéresser à l’évaluation de l’aide humaine, c’est aussi s’intéresser à son cout. En effet, la Cour de Cassation rappelle qu’il s’agisse de l’aide humaine temporaire, indemnisé rappelons-le dans le poste des frais divers, de l’aide humaine permanente, elle s’effectue sur justification de la nécessité et non des dépenses. (cass civ 2ème 7 fev  2008). Il s’agit l d’une application du principe de libre disposition (cass civ 2ème ch 13 déc 2012), et ne saurait être réduite en cas d’assistance gracieuse d’un proche (cass.crim 11 oct 1988), ni en cas d’organisation d’une mesure de protection des majeurs (cass.civ 2ème ch 24 nov 2011) ou par le versements de prestations indemnitaires.

 

Si l’indemnisation la victime n’a pas intégralement financé ses besoins en tierce personne et que cette dernière a bénéficié d’une assistance par des proches, il faut reconstituer les dépenses qu’elle aurait dû engager par la production d’attestation par exemple émanant des personnes ayant rempli ce rôle précisant l’objet et la durée de l’aide apportée.

Dans un arrêt du 24 octobre 2013, la deuxième chambre civile de la cour de cassation reconnait même que le préjudice d’assistance de tierce personne de la victime directe doit être intégralement indemnisé en cas d’assistance familiale sans déduction de la perte de revenus et du préjudice professionnel indemnise par ailleurs de cette aide familiale.

 

Comme pour l’aide humaine temporaire, l’évaluation de l’aide humaine permanente s’effectue à la durée et au cout réel de l’emploi. Ainsi une aide discontinue se traduit en réalité par des temps d’aide supérieurs à chaque besoin ponctuel et le cout horaire varie selon le degré de spécialisation des tierces personnes déterminées par l’incapacité conservée par les victimes et par les gestes à accomplir.

Pour déterminer le juste cout horaire à appliquer il est donc indispensable de bien vérifier la pertinence de la qualification, aide humaine passive (présence de sécurité) ou active (surveillance, incitation), et de retenir comme activité prépondérante la compétence la plus élevée. Ainsi, la tâche la plus complexe l’emporte sur la plus simple.

 

La jurisprudence n’est pas unanime en ce qui concerne l’appréciation du cout horaire de la tierce personne. Dès lors, il est bien souvent utile de produire des factures, contrat de travail ou encore des devis établis dans la région concernée pour se rapprocher du tarif le plus juste sans omettre d’inclure dans l’indemnité allouée à la victime les charges sociales qu’elle expose ou le temps de trajet de l’employé à domicile.

 

La distinction entre tierce personne de type mandataire et prestataire à également un intérêt sur le chiffrage de ce poste. Lorsqu’il est mis en place une tierce personne de type mandataire, il convient d’inclure dans l’indemnité louée à la victime les charges sociales qu’elle expose (cass 2ème civ 4 juin 1997). De même si l’employeur est la victime il faudra tenir compte des jours fériés et des congés payés de la tierce personne, alors que si l’employeur est un organisme le calcul annuel sera effectué en temps réel.

Enfin l’indemnisation de cette rente peut être réclamée sous forme de rente mensuelle, trimestrielle ou de capital. Le juge dispose d’un pouvoir souverain pour décider du mode de réparation le plus adapté à la situation de la victime.

 

Si nous avons pu étudier les technique d’évaluation du cout de l’aide humaine, encore faut-il en connaitre les modalités de calcul.

 

B)       les modalités de calculs du coût

 

Concernant les modalités d’évaluation du coût de l’aide humaine, il conviendra de déterminer le coût annuel de la dépense qui tiendra compte d’une durée annuelle strictement calendaire lorsque la tierce personne est employée par un organisme prestataire (1) ou d’une durée annuelle majorée si la tierce personne est employée par un organisme mandataire (2) : soit

-              1 (prestataire)= Taux horaire x nombre journaliers d’heures x 365 jours ou taux horaire x nombre hebdomadaire d’heures x 52 semaines

-              2 (mandataire) = Taux horaire x nombre journaliers d’heures x 390, 400 ou 412 jours ou Taux horaire x nombre hebdomadaire d’heures x 57 ou 59 semaines.

Dans un second temps, il conviendra de calculer les arrérages échus entre la date de consolidation ou de retour à domicile et la date de liquidation :

 

-              Arrérages échus = [coût annuel tierce personne (prestataire ou mandataire) / 365 Jours] x nombre de jours de la période écoulée

ou

-              Arrérages échus = [coût annuel tierce personne (prestataire ou mandataire) / 52 semaines] x nombre de semaines de la période écoulée

Dans un troisième temps, il conviendra de déterminer le montant du capital selon l’indice viager de capitalisation retenu (en tenant compte de l’âge de la victime au jour de la liquidation) ou de la rente trimestrielle à verser à compter de la date de liquidation de l’indemnisation :

-              Montant du capital = coût annuel x indice de capitalisation viager

-              Rente trimestrielle = coût annuel / 4 trimestres.

Enfin, il s’agira d’additionner le montant des arrérages et du capital afin de déterminer le montant total.